Médaillés des justes
La cérémonie a lieu ce mercredi 18 Janvier à 17h30, à la Mairie du XIIème (130 avenue Daumesnil)
Ancien directeur du Collège Cévenol, le pasteur Pierre Gagnier, avec son épouse Hélène Aubanel, est distingué de la Médaille des justes de Yad Vashem.

Pierre Gagnier est né le 22 décembre 1909 à Crozon, dans le Finistère. Il obtient son baccalauréat au lycée d’Angers et rendre en prépa littéraires au lycée Lakanal à Sceaux (92). Il fait ses études de théologie à Paris entre 1931 et 1934 après son service militaire. Pour son premier ministère il est nommé à Barre des Cévennes en Lozère où il rencontre Hélène Aubanel qu’il épouse en 1937 ; quatre fils naîtront de leur union.
La guerre l’oblige à partir. Prisonnier en Westphalie, il organise des « causeries sur les livres de la Bible » et participe dans le camp à des activités sportives et culturelles. Une petite communauté de protestants se crée dans le camp où de solides amitiés se nouent.
Il est libéré durant l’été 1941 et, de retour en France, il est nommé Pasteur de l'Église Réformée à Nice. Il y reste jusqu’en 1953. Pendant les années d’occupation, cet homme de courage, en accord avec ses convictions et le soutien sans faille de son épouse, n’hésite pas à cacher des juifs dans le presbytère et dans le temple. Le presbytère devient une annexe de faux papiers. Pierre Gagnier est lui-même très actif dans la confection de cartes d'identité, de cartes d'alimentations, de lieux de "cache", dans la fourniture de vivres, d'argent et de complicité d'évasion. Sa connaissance de la langue allemande lui permet d’obtenir des renseignements. Il ne craint pas de se rendre à la kommandantur pour dire son indignation alors que des résistants avaient été pendus aux réverbères de l’avenue de la Victoire. Il n’a pas peur de demander à un employé des questions juives, venu l’interroger sur les faux certificats de baptême qu’il délivrait, s’il n’avait pas honte du métier qu’il exerçait. Cette attitude lui crée des inimitiés à l'intérieur du Conseil Presbytéral, dont un membre influant l'accusait de "prendre parti contre le gouvernement".
Les années qui suivent la guerre sont plus calmes mais n’en sont pas moins actives au sein de la paroisse de Passy à Paris entre 1953 et 1967. Il est Vice-président du Conseil National de l’Église Réformée de France de 1959 à 1962.
En 1967, il est nommé au Chambon-sur-Lignon où il devient directeur du Collège Cévenol International jusqu’en 1970. Obligé de prendre sa retraire prématurément pour des raisons de santé, il se retire au pied des Cévennes à Sauve (Gard), village natal de son épouse.
Il n’y est pas inactif et en profite pour voyager (Israël, Martinique, Seychelles), recevoir de nombreux amis et bien sûr enfants et petits-enfants. Il décède subitement le 6 juin 1988 et repose au cimetière de Générargues dans le Gard. Doté d’une forte personnalité, forgée au sein de sa famille auprès de son père militaire, il sait faire preuve d’autorité aussi bien dans ses paroisses que dans sa famille. Il impose le respect et le bon sens. Amis et famille n’hésitent pas à prendre conseil. Au cours de son ministère il effectue de nombreux voyages: Algérie, Gabon, Suède, Allemagne, États-Unis, pendant lesquels les rencontres sont une fois encore nombreuses et enrichissantes notamment celles avec le Docteur Schweitzer à Lambaréné au Gabon.et avec Alain Bombard qu’il avait invité en conférence au Collège.
Commentaires
cette cérémonie me tient à coeur et je suis navrée de ne pouvoir être présente ce mercredi à Paris. je serai en pensées avec vous!
Marie-ChristineJe voudrais rapporter ici, quel (grand) homme a été Pierre Gagnier durant son court passage au Collège Cévenol. Toujours tiré à quatre épingles, je me souviens de lui durant l'année scolaire 1967-68. Ce fut une année difficile pour le Directeur qu'il était depuis peu, les "évènements d' Avril-Mai 68" auraient pu dégénérer sans la poigne douce et l'incessante proposition de dialogue de celui qui marquera ces deux années par son désir de moderniser le Collège.. Aucune discussion à propos de quelque sujet que ce soit, ne le décourageait. C'est grâce à son esprit d'ouverture, ce sens du débat, qu'il parvint à rassembler les élèves non pas contre l'encadrement du Collège, mais pour que tous ensemble nous proposions des réformes constructives. Ces dernières furent ensuite applaudies au Puy et admirées pour leur sérieux et leur apport aux Lycées locaux. Il avait eu à gérer des questions sensibles comme celle de la danse au Collège. Il le fit avec beaucoup de maîtrise non dénué d'un certain sens de l'humour. Il était un communiquant de tout premier plan et on ne lui reconnaîtra peut-être qu’un petit défaut : la « réunionite »
Roland Mayer (1965/68)Quand cet homme-là vous parlait, on pouvait lire de l'amour dans ses yeux.
Mon frère Eric Bierens de Haan (élève au Collège de 1963 à 1969) a bien connu le Pasteur Gagnier. Il m'a prié de le représenter à cette cérémonie et m'a envoyé pour cela les informations suivantes :
Pierre Gagnier était pasteur à Passy avec Courthial je crois…avant la guerre il avait été en Allemagne, et avait ét un des traducteurs de Dietrich Bonhoeffer pour lequel il vouait admiration et respect, je ne sais pas s'il l'avait rencontré... pendant la guerre il était à Nice, il avait je crois hébergé diverses personnes à l'époque, avait fait la connaissance d'Alain Bombard duquel il était resté ami et qui venait nous donner des conférences au Chambon de temps en temps. A la mort inattendue du pasteur Leenhardt directeur du collège alors (1966-67 ?), il avait été nommé directeur du collège et y était arrivé avec sa femme Hélène et son fils François. Il était directeur en Mai 68…et avait géré ça de façon assez détendue...
BartholdIl y avait une chambre en haut de la maison du directeur (maison de Doudou) qui était traditionnellement occupée par des "grands "de terminale, et j'ai pu y loger pendant 1- 2 ans avec Stéphane Van Son et Jean François Geoffroy (qui habite en Norvège actuellement). On était donc classiquement les 4: François Gagnier, Stéphane, Jef et moi.
Hélène Gagnier, la douceur même, se faisait taquiner par toute la famille à cause de son inquiétude chronique; Pierre Gagnier avait pas mal de fil à retordre avec tous les conflits internes de l'époque qui ne manquaient pas…Il rentrait le soir fatigué et écoutait les cantates de Bach pour se remettre d'aplomb. C'est lui qui avait trouvé la formule indélébile pour qualifier le culte du mercredi matin " ce n'est ni obligatoire, ni facultatif…c'est autre chose…". Pierre Gagnier a fait un infarctus au collège, il a dû aussi arrêter prématurément sa fonction et a pris sa retraite dans le midi ou il s'est donné à l'apiculture. Il a au moins 4 fils dont je connais les 2 derniers qui sont François (qui habite dans le Gard à Sauve et qui est prof de Géographie à Montpellier) et Jean Marc qui est (était ?)dans le commerce du papier je crois. Tu les verras sûrement ainsi que Stéphane et d'autres cévenols; ça devrait être un moment sympa. Transmets leur à tous mes bonnes amitiés
Merci
Eric
Trouvé dans le CFD n° 67 cette lettre ouverte de Pierre Gagnier pleine d'humour sur la question des relations entre garçons et filles au Collège en 1967 :

Olivier Pasteur (67/69)Le poème "Mignon, allons voir si la prose..." était de Pierre Gagnier également, bien qu'il ait souhaité ne pas le signer dans le CFD. Je me souviens que nous avions, Stoly Paschos et moi, du mal a obtenir son accord.
Roland Mayer (1965/68)